HOMMAGE.

« C’est une chose étrange à la fin que le monde »

« Je m’en irai sans en avoir tout dit. »

Jean d’Ormesson est décédé dans la nuit de lundi. Il avait 92 ans. Toute la journée du mardi, les médias lui ont rendu hommage. Hommes politiques, journalistes, amis se sont succédé pour raconter leurs souvenirs.

Comme beaucoup, j’ai été sous son charme. J’ai lu ses livres, je l’ai beaucoup écouté. Il était toujours intéressant, parlant de tout avec sérieux mais sans pédanterie.

J’avais un peu oublié qu’il avait été journaliste et directeur du Figaro. C’est donc à trente ans qu’il a commencé à écrire. De nombreux romans, faciles à lire mais agréables dans lesquels il égrène ses souvenirs. Je lui dois de bons moments de lecture.

Je lui ai consacré plusieurs billets dans mon blog. Je ne reprendrai pas ici ce que j’ai déjà dit.

Des phrases me restent en mémoire : « Je suis un homme heureux. J’ai aimé la vie. La mort est inéluctable mais la vie est belle. Même si on m’a surnommé l’homme du bonheur, je n’ai jamais été insensible à ce qui pouvait être horrible dans le monde. »

J’ai des souvenirs précis de ses passages dans l’émission littéraire de Bernard Pivot. Il y brillait par son éloquence, ses citations, les poèmes qu’il récitait.

Je me souviens de l’embarras de Bernard Pivot quand, ayant annoncé qu’il arrêtait ses émissions, Jean est venu lui offrir des fleurs en remerciement pour l’avoir beaucoup invité mais aussi, je crois, par affection.

Une question le taraudait : serait-il lu après sa mort ? C’est sans doute pour cela qu’il a été tellement content d’entrer dans la Pleiade, une reconnaissance appréciée.

Académicien, il s’est battu pour que cette vénérable institution accepte Marguerite  Yourcenar, une femme ! Pour certains, ce n’était pas acceptable. Il a d’ailleurs soutenu d’autres candidatures.

On a beaucoup parlé de sa séduction. Je retiendrai surtout sa bonté reflétée dans son regard. On m’objectera qu’il pouvait être mordant comme journaliste. Sans doute. N’est-ce pas le propre des hommes de conviction ?

J’ai sans doute quelques ennemis, disait-il, c’est indispensable…

Adieu, Jean. Je terminerai en plagiant la fin de son discours de réception de Simone Veil à l’Académie française. «  Nous vous aimons. »

 

JEAN d’ORMESSON CHEZ RUQUIER.

guide-des-egares

Jean d’Ormesson vient de publier « Guide des égarés ». Le titre est celui d’un ouvrage de Maïmonide.

Maïmonide était un théologien juif, philosophe et médecin, né à Cordoue (Espagne) en 1135. En 1160, il déménage avec sa famille à Fès au Maroc pour échapper aux persécutions religieuses et finit par s’établir au Caire où il devient le médecin personnel du sultan et de sa famille. Il est décédé en 1204.

Ecrit en arabe puis traduit en hébreu son ouvrage a eu une grande influence dans le monde juif et non juif.

Jean d’Ormesson dira qu’il a toujours été fasciné par le livre de Maïmonide. Son « Guide des égarés » est un livre d’une centaine de pages, « un livre que l’on peut mettre dans sa poche » dit-il. Ou encore « Un livre de philosophie pour les nuls. »

Nous sommes des égarés à la recherche des réponses aux questions éternelles : d’où venons-nous ? Que faisons-nous là ? Une flânerie philosophique en 29 mots. Je citerai : étonnement, espace, matière, air, eau, lumière, temps, liberté, vie, mort, plaisir, bonheur, joie, histoire, progrès, justice, beauté, vérité et, bien sûr, amour et Dieu.

Jean d’Ormesson a participé à plusieurs émissions de télévision pour présenter son livre. Je dois dire que très souvent l’entretien a porté sur la philosophie de l’auteur sans référence à son livre. Comme toujours, il a été brillant.

J’ai été fort étonnée de découvrir qu’il était invité dans l’émission de Laurent Ruquier « On n’est pas couché »

Le principe de l’émission est de confronter l’invité aux chroniqueurs. Si elle est très suivie, elle existe depuis le 16 septembre 2006, elle a mécontenté bien des invités qui, parfois même, ont quitté le plateau ne supportant plus l’hostilité et la mauvaise foi des chroniqueurs.

J’avoue que je ne l’ai jamais regardée sauf ce samedi 22 octobre. Les invités étaient Jean d’Ormesson, Christine Ockrent, Christophe Hondelatte et Sheila. Les chroniqueurs Yann Moix et Vanessa Burggraf.

Première surprise y retrouver Yann Moix, un écrivain que j’aime bien et dont je me suis demandé comment il avait pu accepter d’être chroniqueur dans cette émission.

Vanessa Burggraf a été absolument abjecte avec Jean d’Ormesson et Christine Ockrent. Aucun des deux n’a été impressionné et la demoiselle a été remise à sa place comme sa prétention, son arrogance le méritaient.

Un moment savoureux ! Vanessa à Jean d’Ormesson « On parle beaucoup de l’identité française, sur l’identité nationale, comment la définiriez-vous aujourd’hui ? Est-ce que vous croyez plutôt à l’identité heureuse d’Alain Juppé ou à l’assimilation de Nicolas Sarkozy ? »

Réponse de Jean d’O provoquant les rires du public et des invités : « C’est vraiment le genre de question qui me fait chier. Il y a des mots que je ne peux plus entendre. »

Bravo Jean ! Je dois préciser qu’il avait répondu avec beaucoup de franchise aux autres questions, avec aussi une grande habileté évitant les pièges grossiers.

 

JEAN d’ORMESSON.

Jean d'Ormesson

A nonante ans, il vient de publier « Dieu, les affaires et nous », recueil d’un demi-siècle de chroniques au Figaro. Il était l’invité de François Busnel dans « La grande librairie » émission annoncée comme exceptionnelle puisqu’il s’agissait d’un seul invité et lequel ? Un académicien populaire, entré récemment dans la Pléiade.

Généralement, François Busnel interroge ses invités sur le livre qu’ils viennent de publier. Voulant sans doute être original, il a fait tirer à Jean d’O des cartes demandant un commentaire. Pourquoi pas !

Malheureusement, l’émission a été catastrophique. Quelques mots sur François Mitterand, adversaire politique mais apprécié par un président qu’il a souvent invité à l’Elysée. Un propos rapporté « Quel dommage qu’un si bon écrivain soit si stupide politiquement ! »

L’émission commençait bien mais pour les deux autres cartes, Pompidou et De Gaulle, l’animateur n’a pas questionné son invité se contentant de « Un grand homme ! » Tout le monde sait pourtant quelle admiration Jean d’O porte à De Gaulle.

Heureusement, après, la littérature et plus spécialement la langue française. Je ne sais pas s’il y avait un rapport avec le livre publié, en tous cas, je n’ai rien vu.

Bien entendu – le contraire serait vraiment étonnant – l’invité a défendu la langue française mais devant un interviewer muet.

Ce qui m’a étonné, c’est l’emballement de Jean d’O pour rejeter l’étiquette qu’on lui a collée, justifiée à mon avis, d’être le romancier du bonheur. Il l’a pourtant toujours revendiquée sans aucune culpabilité. Et le voilà lancé dans une défense presque colérique de sa personnalité pas du tout insensible au malheur du monde. Bien sûr, je ne doute pas que le malheur qui touche beaucoup de ses concitoyens le touche. Mais pourquoi cette soudaine justification ? Les réfugiés l’ont sans doute bouleversé comme tout le monde mais était-ce dans une émission littéraire censée parler de son livre qu’il devait se lancer dans ce plaidoyer ?

Le comique était l’attitude de François Busnel, feuilletant le livre, essayant de retrouver les passages qu’il comptait citer, mais toujours aussi muet.

Une autre diatribe de ce cher Jean est sa transformation en diseur de l’avenir. Et cela donne à peu près ceci : « Dans un temps très long, très long, il n’y aura plus de littérature, de roman, de langue française disparue au profit du chinois etc. etc. »

Qu’est-ce qui lui a pris ?

Qu’on ne se méprenne pas, Jean d’Ormesson a été brillant comme toujours.

J’attendais autre chose, peut-être à tort. Lui, qui parle si souvent de Dieu, qui le met dans le titre de son livre, ne pouvait-il en parler une fois de plus comme il l’a souvent très bien fait ?

Ce n’est qu’une émission. L’important ce sont ses livres dont j’ai souvent parlé dans mon blog, avec admiration si même tous ne méritent pas le même éloge.

Ce sera pour une autre fois… Ou ailleurs…

 

JEAN d’ORMESSON.

Jean d'Ormesson

Jean d’Ormesson est né à Paris le 16 juin 1925. Ecrivain, chroniqueur, journaliste, philosophe, il a été élu à l’Académie française le 18 octobre 1973. Il a fait campagne pour défendre la réception sous la coupole de Marguerite Yourcenar, la première femme admise à l’Académie en 1980. Il a reçu Simone Veil le 18 mars 2010. Il est le doyen de l’Académie depuis la mort de Jacqueline de Romily en 2010.

Son œuvre est très nombreuse. Je citerai les livres que j’ai particulièrement aimés. « Au plaisir de Dieu » « Mon dernier rêve sera pour vous » « Le Rapport Gabriel » « C’était bien » « C’est une chose étrange à la fin que le monde » « Un jour, je m’en irai sans en avoir tout dit »

Il est aussi l’auteur d’une autre histoire de la littérature française.

(Billets : 27/02/2010 – 04/11/2010 – 23/01/2013 – 26/08/2013)

COMME UN CHANT D’ESPERANCE.

L’auteur nous dit avoir voulu écrire un roman sur rien, c’est-à-dire sur l’univers qui a précédé et suivi le Big Bang, il y a 13,7 millions d’années.

Le lecteur s’apercevra très vite que le détour par la cosmologie et l’histoire sert de base à la question essentielle : l’existence de Dieu. Il raconte l’anecdote célèbre chez les Juifs de deux rabbins qui se disent « L’important, c’est Dieu qu’il existe ou non. »

Il pose les questions essentielles. Comment est-on passé d’un monde d’éternité avant le Big Bang à notre monde en expansion incessante et à notre temps ? Quelles sont les parts respectives de hasard et de nécessité ?

Les sciences nous ont appris comment est né le monde mais pas le pourquoi. Pour l’auteur, le monde ne s’explique que par le Dieu créateur. Il n’hésite pas à citer la Torah, paroles qu’il considère comme les plus célèbres de toute l’histoire des hommes.

« Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre… Il dit : « Que le lumière soit ! Et la lumière fut… Dieu appela la lumière le jour et il appela les ténèbres nuit. Ainsi il y eut un soir et il y eut un matin : ce fut le premier jour. »

Malgré cela, il insiste : « Il n’est pas sûr non plus que le monde où nous vivons ait surgi du néant, que notre tout soit sorti de rien. Le contraire n’est pas sûr non plus. La vérité est que l’avant-notre-monde comme sur l’après-notre-mort nous ne savons rien. Nous pouvons croire. Nous pouvons rêver. Nous pouvons espérer. Nous ne pouvons pas savoir. »

C’est l’historien ou le philosophe qui parle mais l’auteur a choisi délibérément de croire en un Dieu créateur, de croire au mystère.

C’est avec cette conviction qu’il abordera la question du mal. Le mal est venu avec l’apparition de l’homme. C’est le prix de sa liberté.

Nous savons que Jean d’Ormesson a toujours dit combien il aimait la vie, combien il admirait la beauté du monde. Il le redira : « Peut-être par tempérament, parce que j’ai aimé le bonheur, parce que je déteste le désespoir, j’ai choisi le mystère. Disons les choses avec un peu de naïveté, il me semble impossible que l’ordre de l’univers plongé dans le temps, avec ses lois et sa rigueur, soit le fruit du hasard. Du coup, le mal et la souffrance prennent un sens – inconnu de nous, bien entendu, mais malgré tout, un sens. »

Jean d’Ormesson, que j’ai toujours entendu dire, qu’il était agnostique et croyant, ce qui me semblait antinomique, va plus loin. Il s’émerveille de l’Incarnation. Le Dieu des chrétiens est le seul qui s’incarne par amour Il croit en Jésus, fils de Dieu et fils de l’homme.

Il reprend, avec admiration, le commandement du Christ : « Aimez-vous les uns les autres… Toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites. »

Une question me vient : la base du christianisme est la croyance en la Résurrection. Jean d’Ormesson n’aborde pas cette question vitale pour les chrétiens qui en font la base de leur croyance ; vitale pour les athées qui ne peuvent y souscrire. Il rejette d’ailleurs l’idée d’un au-delà : « Comment pourrait-il y avoir, après la mort, pour les hommes qui sont des singes bavards et savants, des primates adonnés à la poésie et aux mathématiques, des animaux doués d’une longue mémoire et faiseurs de projets, autre chose que pour les créatures dont ils descendent en droite ligne – c’est-à-dire rien ? »

Pourquoi Jean d’Ormesson éprouve-t-il autant de difficultés à admettre les dogmes du christianisme ? Je n’ai pas la réponse sauf qu’il est très imprégné par les sciences et qu’il est philosophe mais, comme il le dit, il choisit le mystère, qui est pour lui synonyme de foi.

Abandonnant sa démonstration, l’auteur va terminer par ce qui lui est le plus cher, l’énumération de la beauté du monde dans lequel il voit un Dieu éternellement absent mais qui se dissimule dans le monde.

Il dresse de manière assez surprenante une liste d’événements, assez hétéroclite où il mélange des textes, des monuments, des poèmes, de la musique. Etrange…

Par contre ce passage dans lequel il justifie le titre de son essai est très clair : « L’immense avantage de Dieu, qui est si peu vraisemblable, est de donner au monde, invraisemblable lui aussi, une espèce de cohérence et quelque chose qui ressemble à l’espérance. »

Je terminerai en reprenant ce qu’il dit à propos des romans : « Les livres ne survivent pas grâce aux histoires qu’ils racontent. Ils survivent grâce à la façon dont elles sont racontées. La littérature est d’abord un style qui éveille l’imagination du lecteur. »

Jean d’Ormesson me pardonnera de reprendre cette citation. Bien sûr son essai n’est pas un roman. Bien sûr il s’interroge sur des sujets sérieux, le monde, l’existence de Dieu, la foi.

Mais, puis-je dire que son livre est aussi une histoire racontée, l’histoire du monde racontée avec brio ?

 

JEAN d’ORMESSON.

Jean d'ormesson

Jean d’Ormesson est né à Paris le 16 juin 1925. Ecrivain, chroniqueur, journaliste, il a été élu à l’Académie française en 1973. Il en est actuellement le doyen.

Elevé par sa mère jusqu’à  l’âge de 14 ans, il entre à 19 ans à l’Ecole Normale Supérieure. Licencié en lettres et histoire, il est admis ensuite à l’agrégation de philosophie.

En 1950, il devient Secrétaire Général du Conseil international de la philosophie et des sciences de l’UNESCO dont il devient président en 1992.

En 1970, il devient directeur du Figaro. L’année suivante, il publie « La gloire de l’Empire » pour lequel il obtient le Grand Prix du roman de l’académie française.

Chaque année, paraîtra un autre roman dont « Au Plaisir de Dieu » « Mon dernier rêve sera pour vous » « Histoire du Juif errant » « Le rapport Gabriel » « C’était bien » « C’est une chose étrange à la fin que le monde ».

(Billets du 27 février 2008 – 4 novembre 2010 – 23 janvier 2013)

UN JOUR JE M’EN IRAI SANS EN AVOIR TOUT DIT.

Le titre est un vers d’Aragon comme l’était « C’est une chose étrange à la fin que le monde ».

Publié comme ses autres livres comme étant un roman, c’est presque une autobiographie. Je pourrais le résumer en une phrase : Il est parti de son enfance pour arriver aux étoiles et à Dieu. »

La première partie du livre intitulée Tout passe est un rappel de son enfance mais aussi un survol historique de son époque. « Je suis tombé dans ce monde en un temps où beaucoup de choses disparaissaient et où beaucoup d’autres apparaissaient. Il y a eu le jeudi noir de Wall Street, la dépression, les banques qui sautent, le chômage, l’inflation. Il y a eu la guerre, le goulag, la Shoah, les Kmers rouges, le Rwanda. Il y a eu un progrès qui a semé en même temps l’enthousiasme et la crainte. Longtemps, demain a ressemblé à hier. Et puis, tout à coup, l’histoire a pris le mors aux dents. »

Pour l’auteur, le changement le plus spectaculaire est que la science et la technique aient remplacé la philosophie et la religion.

Lui, qui s’est tellement intéressé aux découvertes des galaxies ou des étoiles redit son étonnement que l’homme ne soit que des poussières d’étoile. Cependant, il attribue le plus grand changement de la conception du monde à Képler ou Copernic, mais surtout à Darwin, qui bien que croyant, a changé pour toujours la conception de l’homme au mépris de Dieu. « Dieu après avoir connu bien des épreuves passe son pouvoir à l’homme. »

De son enfance, il ne dira pas plus qu’il n’a dit dans « Au plaisir de Dieu » Enfance choyée, où le plus important est la famille. Il parlera pourtant de Marie dont il était très amoureux et qui a brisé sa vie en épousant Pama Karpo. Celui-ci, moine bouddhiste orphelin, avait été adopté par sa tante Françoise. Il deviendra le fermier de son père puis fera fortune après guerre.

L’argent, il n’en a jamais manqué, mais s’il le méprise, il reconnaît qu’il est indispensable à celui qui veut vivre une vie de  plaisisirs : « L’argent est un serviteur dont l’idée fixe est de devenir le maître – et il faut l’en empêcher. – Il règne avec arrogance dans le monde d’aujourd’hui ».

Sa vie, justement, lorsque Marie lui revient, sera faite de plaisirs, voyages en Grèce, Turquie, Maroc, Inde, Mexique et surtout l’Italie dont il a abondamment parlé dans ses autres romans.

Plaisirs de la lecture. Je ne reprendrai pas la longue énumération des livres qui l’ont marqué. Juste une petite vengeance en parlant de Sartre qui disait n’importe quoi avec beaucoup de talent et beaucoup de culot…

Les livres justement. Il commence le sien en parlant de la littérature actuelle qui ne vaut pas l’ancienne. « Tout le monde écrit » « L’image triomphe et l’emporte sur l’écrit en déroute » Et encore : « Le piège à éviter, c’est de se jeter dans le moderne et comme si ça ne suffisait pas, tout le monde veut être rebelle par-dessus le marché. Pour être au goût du jour, tout le monde cherche à grimper dans le train déjà bondé des mutins de Panurge. »

Ces paroles pourraient faire sourire venant d’un auteur qui a passé sa vie à écrire des romans mais je le crois quand il dit qu’il n’a jamais cherché à être à la mode. Pour lui, écrire est devenu une nécessité, presqu’un virus dont il ne peut plus se passer. Je serai la dernière à le lui reprocher moi qui l’ai beaucoup lu avec toujours autant de plaisir.

Dans la seconde partie du livre, c’est en philosophe que Jean va discourir sur les grands thèmes : l’allégresse, l’angoisse, le chagrin, le mal, la joie, la beauté, la vérité, le temps.

Je ne peux pas tout détailler. Quelques citations : « La gaieté est la forme de ma mélancolie – Le mal est d’abord en moi – C’est peut-être parce que je suis idiot que la vie et le monde m’ont tant plu – La difficulté est qu’il y a de tout dans la vérité et qu’il y a de tout dans l’erreur – Nous ne savons rien du temps- Le présent est coincé entre le passé et l’avenir. C’est un entre-deux minuscules jusqu’à l’inexistence. »

L’inexistence, la mort, l’interrogation perpétuelle de d’Ormesson : que faisons-nous donc sur cette terre ?

C’est dans la ligne de cette interrogation qu’il consacre la troisième partie de son livre à Dieu. « Il y a au-dessus de nous quelque chose de sacré. »

Cette partie est un très long développement sur la vie vécue avec joie alors que nous nous savons mortels. Il dira même qu’il faut être heureux.

C’est la première fois qu’il affirme avec certitude qu’il croit en Dieu même s’il rejette la résurrection ce qui l’afflige car il aimerait tant retrouver Marie dans l’éternité.

Mais, paradoxe, dans sa prière à Dieu, qui termine le livre, il lui dira « Merci » et Dieu lui répondra « Je te pardonne. »

Un beau livre. Des formules qui font mouche. « Longtemps, j’ai été jeune – J’aimais beaucoup ne rien faire. Dans cette occupation suprême, j’étais presque excellent. Je ne m’ennuyais jamais. – Le travail ne m’intéressait pas. J’étais désintéressé. – Je passais le temps qui passe. »

Un roman d’amour. De Marie, des paroles, des mots, de la vie.

Un livre sans fausse modestie dans lequel l’auteur se livre en toute simplicité.