Jean d’Ormesson est né à Paris le 16 juin 1925. Ecrivain, chroniqueur, journaliste, il a été élu à l’Académie française en 1973. Il en est actuellement le doyen.
Elevé par sa mère jusqu’à l’âge de 14 ans, il entre à 19 ans à l’Ecole Normale Supérieure. Licencié en lettres et histoire, il est admis ensuite à l’agrégation de philosophie.
En 1950, il devient Secrétaire Général du Conseil international de la philosophie et des sciences de l’UNESCO dont il devient président en 1992.
En 1970, il devient directeur du Figaro. L’année suivante, il publie « La gloire de l’Empire » pour lequel il obtient le Grand Prix du roman de l’académie française.
Chaque année, paraîtra un autre roman dont « Au Plaisir de Dieu » « Mon dernier rêve sera pour vous » « Histoire du Juif errant » « Le rapport Gabriel » « C’était bien » « C’est une chose étrange à la fin que le monde ».
(Billets du 27 février 2008 – 4 novembre 2010 – 23 janvier 2013)
UN JOUR JE M’EN IRAI SANS EN AVOIR TOUT DIT.
Le titre est un vers d’Aragon comme l’était « C’est une chose étrange à la fin que le monde ».
Publié comme ses autres livres comme étant un roman, c’est presque une autobiographie. Je pourrais le résumer en une phrase : Il est parti de son enfance pour arriver aux étoiles et à Dieu. »
La première partie du livre intitulée Tout passe est un rappel de son enfance mais aussi un survol historique de son époque. « Je suis tombé dans ce monde en un temps où beaucoup de choses disparaissaient et où beaucoup d’autres apparaissaient. Il y a eu le jeudi noir de Wall Street, la dépression, les banques qui sautent, le chômage, l’inflation. Il y a eu la guerre, le goulag, la Shoah, les Kmers rouges, le Rwanda. Il y a eu un progrès qui a semé en même temps l’enthousiasme et la crainte. Longtemps, demain a ressemblé à hier. Et puis, tout à coup, l’histoire a pris le mors aux dents. »
Pour l’auteur, le changement le plus spectaculaire est que la science et la technique aient remplacé la philosophie et la religion.
Lui, qui s’est tellement intéressé aux découvertes des galaxies ou des étoiles redit son étonnement que l’homme ne soit que des poussières d’étoile. Cependant, il attribue le plus grand changement de la conception du monde à Képler ou Copernic, mais surtout à Darwin, qui bien que croyant, a changé pour toujours la conception de l’homme au mépris de Dieu. « Dieu après avoir connu bien des épreuves passe son pouvoir à l’homme. »
De son enfance, il ne dira pas plus qu’il n’a dit dans « Au plaisir de Dieu » Enfance choyée, où le plus important est la famille. Il parlera pourtant de Marie dont il était très amoureux et qui a brisé sa vie en épousant Pama Karpo. Celui-ci, moine bouddhiste orphelin, avait été adopté par sa tante Françoise. Il deviendra le fermier de son père puis fera fortune après guerre.
L’argent, il n’en a jamais manqué, mais s’il le méprise, il reconnaît qu’il est indispensable à celui qui veut vivre une vie de plaisisirs : « L’argent est un serviteur dont l’idée fixe est de devenir le maître – et il faut l’en empêcher. – Il règne avec arrogance dans le monde d’aujourd’hui ».
Sa vie, justement, lorsque Marie lui revient, sera faite de plaisirs, voyages en Grèce, Turquie, Maroc, Inde, Mexique et surtout l’Italie dont il a abondamment parlé dans ses autres romans.
Plaisirs de la lecture. Je ne reprendrai pas la longue énumération des livres qui l’ont marqué. Juste une petite vengeance en parlant de Sartre qui disait n’importe quoi avec beaucoup de talent et beaucoup de culot…
Les livres justement. Il commence le sien en parlant de la littérature actuelle qui ne vaut pas l’ancienne. « Tout le monde écrit » « L’image triomphe et l’emporte sur l’écrit en déroute » Et encore : « Le piège à éviter, c’est de se jeter dans le moderne et comme si ça ne suffisait pas, tout le monde veut être rebelle par-dessus le marché. Pour être au goût du jour, tout le monde cherche à grimper dans le train déjà bondé des mutins de Panurge. »
Ces paroles pourraient faire sourire venant d’un auteur qui a passé sa vie à écrire des romans mais je le crois quand il dit qu’il n’a jamais cherché à être à la mode. Pour lui, écrire est devenu une nécessité, presqu’un virus dont il ne peut plus se passer. Je serai la dernière à le lui reprocher moi qui l’ai beaucoup lu avec toujours autant de plaisir.
Dans la seconde partie du livre, c’est en philosophe que Jean va discourir sur les grands thèmes : l’allégresse, l’angoisse, le chagrin, le mal, la joie, la beauté, la vérité, le temps.
Je ne peux pas tout détailler. Quelques citations : « La gaieté est la forme de ma mélancolie – Le mal est d’abord en moi – C’est peut-être parce que je suis idiot que la vie et le monde m’ont tant plu – La difficulté est qu’il y a de tout dans la vérité et qu’il y a de tout dans l’erreur – Nous ne savons rien du temps- Le présent est coincé entre le passé et l’avenir. C’est un entre-deux minuscules jusqu’à l’inexistence. »
L’inexistence, la mort, l’interrogation perpétuelle de d’Ormesson : que faisons-nous donc sur cette terre ?
C’est dans la ligne de cette interrogation qu’il consacre la troisième partie de son livre à Dieu. « Il y a au-dessus de nous quelque chose de sacré. »
Cette partie est un très long développement sur la vie vécue avec joie alors que nous nous savons mortels. Il dira même qu’il faut être heureux.
C’est la première fois qu’il affirme avec certitude qu’il croit en Dieu même s’il rejette la résurrection ce qui l’afflige car il aimerait tant retrouver Marie dans l’éternité.
Mais, paradoxe, dans sa prière à Dieu, qui termine le livre, il lui dira « Merci » et Dieu lui répondra « Je te pardonne. »
Un beau livre. Des formules qui font mouche. « Longtemps, j’ai été jeune – J’aimais beaucoup ne rien faire. Dans cette occupation suprême, j’étais presque excellent. Je ne m’ennuyais jamais. – Le travail ne m’intéressait pas. J’étais désintéressé. – Je passais le temps qui passe. »
Un roman d’amour. De Marie, des paroles, des mots, de la vie.
Un livre sans fausse modestie dans lequel l’auteur se livre en toute simplicité.