Didier van Cauwelaert est né à Nice le 29 juillet 1960 d’une famille d’origine belge.
Il a reçu le prix Goncourt en 1994 pour « Un aller simple ». Son œuvre est très nombreuse. Il s’est présenté à l’Académie française en 2009 mais les académiciens lui ont préféré François Weyergans.
Quelques titres de romans : « La vie interdite » « Rencontre sous X » « Le père adopté » « Le journal intime d’un arbre » « La maison des lumières » « Les témoins de la mariée ».
HORS DE MOI.
Après un accident de voiture, le héros Martin Harris est resté plusieurs jours dans le coma. Américain, directeur d’un laboratoire à l’université de Yale, détaché au département biogénétique de l’INRA, il est arrivé à Paris avec sa femme Liz et y a loué un appartement.
A sa sortie de l’hôpital, il se rend chez lui et a la désagréable surprise d’être accueilli par un inconnu qui prétend porter le même nom et vit avec Liz qui ne le reconnaît pas.
Il n’a aucun papier et se rend à la police pour faire constater qu’un « imposteur » occupe son appartement. La police s’y rend et ramène l’occupant qui, lui, a bien des papiers en règle au nom de Martin Harris.
Tout le livre sera consacré à ses nombreuses démarches pour prouver son identité. Il est certain que sa mémoire est intacte mais est fort ébranlé par ce qui lui arrive.
Il se rend au centre de recherches où il devait travailler et y rencontre Paul de Kermeur avec qui il a déjà collaboré mais par internet. Il ne l’a donc jamais vu.
Il apprend, stupéfait, qu’un autre Martin Harris travaille avec le chercheur et l’a déjà rencontré. Il exige une confrontation. Le second Martin connaît tous ses travaux et n’a aucune peine à le prouver.
Martin Harris est botaniste, célèbre pour avoir gagné un procès en citant des plantes comme témoin. « Il y avait eu un crime dans une serre. Aucun témoin, trois suspects possibles. J’ai proposé au juge de brancher mes électrodes sur les hortensias et on a fait défiler devant eux douze personnes l’une après l’autre, parmi lesquelles les trois suspects. Brusquement l’aiguille du gavanomètre s’est emballée, en présence du frère de la victime (…)Les deux hommes s’étaient battus dans la serre, il y avait eu des tiges cassées et l’agresseur réveillait le traumatisme, déclenchait le système d’alerte électrochimique d’un hortensia à l’autre. Sous le choc, l’assassin est passé aux aveux. »
Ce passage est une illustration des longues théories sur les plantes racontées par l’auteur.
Toujours en quête de la preuve de son identité, Martin Harris rencontre le psychiatre, le docteur Farges, qui est fort intéressé par son aventure parce qu’il mène des études sur les effets du coma. Pour lui, ce qui lui arrive est un effet des suites de son coma.
Pas satisfait du tout, au contraire, Martin engage un détective qui fera des recherches en Amérique sur sa naissance, son lieu de travail, sa femme, ses amis dans l’espoir qu’elles confirmeront ce qu’il dit.
Hélas ! Tout est faux ! Il n’existe pas, pas plus que le lieu où il était sensé travailler.
Je ne peux en dire plus sans déflorer le roman. La fin est tout à fait inattendue.
Le livre se présente bien comme un thriller qui tient le lecteur en haleine jusqu’au bout.
L’auteur y a ajouté un autre personnage, Muriel, qui l’a recueilli dans son taxi et a provoqué l’accident en refusant une priorité. Elle s’intéresse à lui, l’aide dans ses recherches, avec beaucoup d’empathie car elle se sent responsable. Elle aussi, au début, met en doute qu’il soit bien l’homme qu’il prétend être mais elle souhaite vraiment qu’il dise vrai et puisse le prouver.
Le personnage de Muriel met de l’humanité dans le roman. Harris peut se raccrocher à elle, arrive même à regretter de ne pas en être amoureux.
Généreuse, émouvante, l’attention qu’elle lui porte, tout ce qu’elle fait pour lui, sa solidarité corrigent ce que le héros pourrait avoir « d’un peu froid » même si on compatit avec ce qui lui arrive.
Deux événements vont l’ébranler un peu plus. Dans la maison du psychiatre qui l’a invité, il remarque un piano et joue. Or, d’après sa mémoire, qu’il juge infaillible, il n’en a jamais joué.
Il constate aussi qu’il ne peut plus parler aux arbres comme il le faisait. « J’enlace le platane, pour lui donner des forces en lui en prenant, cet échange qui jalonne mes journées… Rien. Je ne ressens rien. (…) Pas le moindre écho, pas le moindre retour. »
Cette constatation l’attriste mais renforce sa détermination à se retrouver comme il était avant, à retrouver sa vraie personnalité, à ne plus être « hors de lui ».
Didier van Cauwelaert écrit bien. Le sujet du livre est original, le suspense bien mené. Même les informations techniques n’ennuient pas. Le roman est passionnant.
Qui ne rêverait pas de pouvoir dialoguer avec les plantes ?