FRANCE : 14 JUILLET.

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Cette nuit, jour de la Fête Nationale Française, 84 personnes ont été tuées sur la promenade des Anglais à Nice. Il y a des dizaines de blessés. Un camion a foncé sur la foule rassemblée pour le feu d’artifice qui venait de se terminer. Le chauffeur a écrasé sur une distance de deux kilomètres les personnes qui se trouvaient sur son chemin. Il a également tiré dans la foule avant d’être abattu.

Le chauffeur serait un Franco-Tunisien, âgé de 31 ans, domicilié à Nice.

La piste terroriste est privilégiée mais l’attentat n’a pas été revendiqué.

On ne peut pas s’empêcher de penser au message audio diffusé en 2014, par le porte-parole officiel de l’El, Abou Mohamed Al-Adnani qui encourageait « les soldats du califat » à utiliser n’importe quelle arme disponible.

« Si vous ne pouvez pas faire sauter une bombe ou tirer une balle, débrouillez-vous, renversez-les avec votre voiture. »

Ces propos sont glaçants mais rien ne permet d’affirmer le lien avec l’attentat de cette nuit.

Ce que je retiens est l’horreur du geste, tuer froidement des familles qui reviennent chez elles après avoir assisté au feu d’artifice.

Un acte barbare qui nous replonge dans la terreur.

Mes pensées vont aux familles des victimes à qui je présente mes condoléances.

Je pense aussi à tous ceux qui sont en vacances ou s’apprêtent à partir en France pour passer quelques jours heureux.

L’Euro s’était bien passé, nous respirions, nous sommes rattrapés par l’horreur.

MICHEL ONFRAY : PENSER L’ISLAM.

Michel Onfray

Michel Onfray est né le 1er janvier 1959 à Argenteau. Philosophe, essayiste il défend une vision du monde hédoniste, épicurienne et athée. Il est influencé principalement par Nietzche et Epicure.

Né d’un père ouvrier agricole et d’une mère femme de ménage, il est abandonné bébé puis placé à l’Assistance publique. De dix à quatorze ans, il fait ses études dans un pensionnat catholique tenu par des prêtres salésiens. Il le décrira comme un lieu de souffrance notamment dans « La Puissance d’exister » et n’oubliera jamais.

De 1983 à 2002, il enseigne la philosophie au lycée technique privé catholique de Sainte-Ursule de Caen. Il critique l’enseignement de la philosophie tel qu’il est dispensé par L’Education nationale, qu’il juge limité à une transmission d’une histoire de la philosophie officielle plutôt que l’apprentissage à philosopher. Il démissionne et fonde l’université populaire de Caen.

So œuvre est très nombreuse. « Théorie du corps amoureux » « Traité d’athéologie » « La puissance d’exister » « Manifeste hédoniste » « L’ordre libertaire ».

PENSER L’ISLAM.

Son livre est divisé en plusieurs parties :
– Penser en post-République
– Introduction
– Entretien.
– Conclusion.

Dans la première partie, il affirme qu’une grande partie de la presse politiquement correcte a le désir d’avoir sa peau. Pourtant, dit-il, je ne suis d’aucune coterie, je suis décidé à rester fidèle à une France maltraitée.

« Ces campagnes de calomnies contre moi ont été sans nom : j’étais coupable de ce que je disais, coupable du ton sur lequel je l’avais dit, en fait, coupable d’être, purement et simplement, et de faire mon métier de philosophe dans une société où le mot d’ordre « socialiste » n’est plus réfléchissons, c’est interdit par Valls, mais obéissez, c’est ordonné par le même. »

Dans l’introduction, il rappelle qu’en 2013, quelques mois après l’intervention de la France au Mali, il avait envoyé un texte au Monde, texte refusé et qu’il reproduit : « Les guerres coloniales contemporaines. »

Il y affirmait que ceux que nous attaquons riposteront à nos attaques. C’était avant le drame du 7 janvier 2015, jour de l’attaque de Charlie Hebdo aux cris de « Allah-hou Akbar » « On a vengé le prophète ».

Michel Onfray s’indigne d’entendre que cet attentat n’a rien à voir avec l’Islam. Pour le philosophe, c’est une négation du réel. Le 9 janvier, c’est la prise d’otages de l’hypermarché casher.

A la demande d’Eric Fottorino, directeur de Un il écrit un texte à paraître dans le numéro du 21 janvier titré « Pourquoi tant de haine ? » Il reproduit aussi son texte intitulé « Le Balai de l’Apprenti Sorcier ».

Dans ce texte, très dur, il accuse la France d’avoir bombardé les populations musulmanes d’Afghanistan, d’Irak, de Libye, du Mali « sous prétexte de lutter contre le terrorisme qui, avant les bombardements, ne nous menaçait pas directement. »

La fin du texte est très claire :
« L’indéniable retour du religieux a pris la forme de l’islam en Occident. Ce retour est à penser dans l’esprit de Spinoza : hors passions, sans haine, sans vénération, sans mépris et sans aveuglement, sans condamnation préalable et sans amour à priori, juste pour comprendre. Ces pages ne sont rien d’autre qu’une conversation sur ce sujet. J’ai tâché d’inscrire ma réflexion dans l’esprit des Lumières dont la flamme semble vaciller jour après jour. »

Dans l’entretien, il répond au journaliste algérien Asma Kouar puis il réalise que l’entretien peut faire l’objet d’un livre. « Penser l’islam n’a besoin d’aucune autre légitimation que l’envie de parler librement. »

Il est évidemment impossible de résumer l’entretien dans le cadre de ce billet. Je reprendrai certains propos. Mon choix est bien sûr subjectif.

Il  y a dans le Coran des sourates qui invitent à la guerre, au massacre des infidèles mais aussi celles qui invitent à l’amour et à la miséricorde.

Michel Onfray en cite beaucoup mais fidèle à ce qu’il disait déjà dans son traité d’athéologie il compare la violence du Coran à celle de l’Evangile.

Exemples du Coran : « Exterminez les incrédules jusqu’aux derniers » « Tout juif qui vous tombe sous la main, tuez-le » « Les hommes ont autorité sur les femmes en vertu de la préférence que Dieu leur a accordées sur elles » «Exterminez les incrédules jusqu’aux derniers» «Tuez les polythéistes où vous les trouverez» Mais aussi : «Pas de contrainte en matière de religion» «Celui qui sauve un homme est considéré comme s’il avait sauvé tous les hommes»

Michel Onfray dira donc qu’on peut dire que l’Islam est une religion de paix, de tolérance et d’amour mais certaines sourates rendent possible un islam de guerre, d’intolérance et de haine.

Dans la logique de sa démonstration il reprendra les paroles de Jésus citées par Saint Mathieu : « Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur Terre ; je ne suis pas venu apporter la paix mais l’épée »

Comparer la violence de Jésus chassant les marchands du temple à certaines sourates du Coran c’est, je me permets de le dire, être de mauvaise foi. Rien dans l’Evangile n’appelle à tuer, au contraire, le « Tu ne tueras point » est un impératif chrétien.

Je le rejoins cependant quand il dit : « C’est quand l’islam devient politique que le problème se pose : si un pays effectue les prélèvements dans l’islam de paix, il n’aura pas la même histoire que celui qui voudra l’islam de guerre. »

Peut-il y avoir un islam de France ? Il faut prélever dans l’islam ce qui est compatible avec les valeurs de la République, former les imans, surveiller les prêches, financer les lieux de prière.

Il soulève cependant un problème important : l’islam est la parole de Dieu qui nécessairement dit le vrai. En Islam, tout pouvoir vient de Dieu et il ajoutera que cette thèse se trouve également chez saint Paul. C’est vrai mais Saint Paul n’est pas l’Evangile…

L’athéisme peut-il accoucher d’une morale ? Réponse catégorique : « Je souscris à une éthique qui interdit absolument sans aucune restriction, le meurtre, le crime, la peine de mort sous toutes ses formes : de la vengeance personnelle du talion au bombardement par des Etats de villes remplies d’innocents, en passant par la peine de mort, quelle qu’en soit la formule : d’Etat ou terroriste. Voilà pourquoi je ne me reconnais pas dans les textes sacrés, parce qu’ils justifient les massacres, ni dans les autres textes, non sacrés, profanes, quand ils les justifient également. »

Sa conclusion a été écrite après le 13 novembre. Encore une fois, il n’arrive pas à séparer le terrorisme islamique, qu’il condamne bien sûr, aux autres « violences »  comme les bombardements US.

Et quand le journaliste lui demande si Daesh ne hait pas l’occident pour ce qu’il est, il admet qu’il s’agit bien d’une guerre de civilisation. Cette affirmation : « Les cultures se valent-elles toutes ? Oui, disent les tenants du politiquement correct. ( ?) J’ai pour ma part tendance à croire supérieure une civilisation qui permet qu’on la critique à une autre qui interdit qu’on le fasse et punit de mort toute réserve à son endroit. »

Un livre dense. Je n’ai pu en donner qu’un aperçu.

Michel Onfray est un homme de conviction. Ce qu’il pense, il le dit haut et fort ce qui explique sans doute qu’il soit souvent contesté. Il ne cherche pas à plaire, peut être excessif.  Il sait certainement que certaines de ses positions peuvent choquer.

C’est aussi un homme de cœur. Je pense à l’université populaire de Caen ouverte à tous et, insiste-t-il, gratuite.

Il est aussi un philosophe accessible. Pour moi, c’est une qualité qui n’est pas tellement répandue. Etre obscur est pour certains un gage de qualité… Je ne suis pas de ceux-là.

 

YASMINA KHADRA.

Yasmina Khadra

Yasmina Khadra, pseudonyme de l’écrivain algérien Mohamed Moulessehout, est né le 10 janvier 1955, dans le Sahara algérien. Son pseudonyme est composé des deux prénoms de sa femme.

Son œuvre est nombreuse. Je citerai : « A rêvent les loups »  « L’Ecrivain » « L’imposture des mots » « Les hirondelles de Kaboul »

(Billets du 30 mars 2010 – 12 mars 2011 – 7 août 2011)

LES AGNEAUX DU SEIGNEUR.

 L’auteur nous parle de l’Algérie dans les années nonante. On y retrouve une bande d’amis dans un petit village nommé Ghachimat : Dactylo, écrivain public, Kada l’instituteur, Zane le nain, Jafer Wahab qui traîne toute la journée à ne rien faire, Mourad et son frère Boudjema, accros au kif, Lyès le ferronnier, Allal, le policier.

Tous sont amoureux de Sarah, la fille du maire. « Sarah est assise sur le lit nuptial, ses menottes frémissantes sur les genoux. Le poète ne saurait dire si c’est l’abat-jour sur la table de chevet ou bien elle, houri aux blondeurs de l’été, qui confère à la chambre, tant de féerie. Allal s’agenouille devant elle, lui prend la main. Ses lèvres effleurent les doigts brunis au henné, si maladroitement qu’elles omettent de les baiser. Il lui relève le voile, lentement de peur de voir le beau visage de la vierge s’évanouir tel un songe qu’on n’a pu cerner. Les yeux de Sarah s’épanouissent, immenses comme un pré. 

Moment de grâce dans un livre qui va raconter l’horreur.

Le retour au village du jeune Cheikh Abbas, un iman radical fanatisé va déchaîner les passions.

Kada Hilal confie au Cheikh sa souffrance de voir Sarah mariée. Le Cheikh réagit violemment. « C’est une dévergondée (…) Elle marche tête nue, le mollet dévoilé, et elle parle à haute voix dans la rue. »

Kada veut partir combattre en Afghanistan. Même si le Cheikh comptait faire de lui le prochain maire, il ne cache pas sa satisfaction. « Va, Kada Hidal, va dire aux mécréants qu’on ne muselle pas la parole, qu’aucune camisole ne peut contenir la foi. Va dire au monde que chez nous la vaillance est nature, que l’appel du Jihad nous fait longer mers et continents d’une seule enjambée… Va, je te bénis. »

Un mois plus tard, le Front Islamique du Salut rafle haut la main les élections communales. (Même victoire aux Législatives de 1991) Le maire est remplacé par un membre du Fis. Les anciens amis doivent choisir leur camp. Le village se déchire entre pro et non islamistes. Certains prennent les armes et de maquis. Les violences se multiplient : enlèvements, meurtres, viols, assassinat, massacres de familles entières.

Le hijab est imposé et la barbe exigée. Le jeu très prisé par les Anciens est interdit. Certains finissent même par se ranger derrière les jeunes. Ils ont perdu leur pouvoir. Les jeunes ne les respectent plus. Le monde a changé.

Mais les jeunes veulent aller plus loin. Ils vont trouver l’iman Haj Salah, qu’ils ont enlevé, et lui demandent de décréter une fatwa. « Tu es juste et éclairé. Nous voulons que tu décrètes la guerre sainte. – Et qui est donc l’ennemi ? – Tous ceux qui portent le képi : gendarmes, policiers, militaires… »

« Haj Salah reste silencieux pendant une minute, prostré, la tête dans les mains comme s’il refusait de croire à ce qu’il vient d’entendre. Le moment qu’il redoutait est là. L’ogre se réveille en l’enfant qui ne comprend plus pourquoi, soudain, le besoin de châtier supplante celui de pardonner. Le poète avait raison : il y a immanquablement une part pour le Diable en chaque religion que Dieu propose aux hommes ; une part infime, mais qui suffit largement à falsifier le Message et à drainer les inconscients sur les chemins de l’égarement et de la barbarie. Cette part du Diable, c’est l’ignorance. »

Haj Salah est assassiné…

Quelques amis décident de rechercher les terroristes. Allal est parmi eux. Il ne vit plus depuis que Sarah a été enlevée. Ils partent à sa recherche. Sur la route, de nombreux cadavres laissés par les terroristes. Ils arrivent dans une clairière.

 « La clairière paraît rassérénée. Malgré un soleil implacable, la pénombre des arbres y déverse une fraîcheur d’oasis. Tapi dans les branchages, un merle siffle. Sarah est là, étendue sur le sol duveteux. Elle est nue. Sa chevelure blonde, que taquine par endroits la brise, se ramifie autour d’elle comme une coulée d’or. Son dos arrondi conserve les traces du fouet, elle a les poings ligotés avec du fil de fer et les chevilles enchaînées. »

Allal s’écroule devant sa femme. Une formidable explosion les projette en l’air. Le cadavre avait été piégé…

Le livre comporte beaucoup de scènes violentes. Il faut tout le talent d’écriture de l’auteur pour que le lecteur continue sa lecture.

Des adolescents tranquilles, des agneaux devenus des tueurs. Tragique.

 

PHILIP ROTH.

 

Philip Roth, petit-fils d’immigrés juifs originaires d’Autriche Hongrie, est né à Newak, une ville portuaire proche de Manhattan, dans le New jersey, le 19 mars 1933. Il a étudié la littérature à l’Université de Bucknell, puis de Chigaco. Son premier recueil de nouvelles Good bye Colombus lui a permis de remporter le Le National Book Award. Il  a enseigné la littérature à l’université de Pennsylvanie jusqu’en 1992.

Auteur de vingt-huit romans, il est considéré par les critiques, comme un des meilleurs écrivains américains contemporains. Afin de mieux dénoncer les errances de la société américaine, Philip Roth se crée un double littéraire, Nathan Zuckerman, un écrivain juif américain. On le retrouve dans plusieurs romans dont La Contrevie, Pastorale américaine, La Tache, roman pour lequel il a obtenu le Prix Médicis étranger en 2002 et qui a été un best-seller en France.

EXIT LE FANTOME.

Zuckerman a 71 ans. Il s’est exilé à la campagne pendant onze ans ayant comme seuls amis Larry et Marylynne Hollis. Larry trouve que la vie menée par Nathan, vie de reclus, est anormale. « La vie que vous menez n’est pas celle qui vous convient. (…) Je ne veux plus que vous meniez une vie de solitaire. Vous allez trop loin, merde. C’est trop radical, Nathan. » Larry ira même jusqu’à lui apporter deux chatons, baptisés par Zuckerman A et B, à la grande stupéfaction de Larry. Il ne les gardera qu’une semaine…

Ayant été opéré d’un cancer de la prostate, souffrant d’incontinence urinaire, Zuckerman décide d’aller consulter un urologue à New York. Entrant dans un snack, il y voit Amy Bellette, qu’il avait connue quand, âgée de vingt-sept ans, elle était devenue la maîtresse de l’écrivain Isidore Lonoff, son mentor. Elle a été opérée d’une tumeur au cerveau et quand elle enlève son chapeau rouge, Nathan voit son crâne à demi rasé où serpente une cicatrice hideuse. Il n’ose pas l’aborder mais il la retrouvera plus tard.

En quête d’un appartement sur Broadway, Zukerman fait la connaissance d’un jeune couple d’écrivains, Bill et Jamie avec lesquels il convient d’échanger sa maison contre leur appartement. Jamie est terrorisée depuis les attentats du 11 septembre et veut absolument quitter New York : « Je ne veux pas être pulvérisée au nom d’Allah. » Jamie est issue d’une riche famille toxane. Son père, archiconservateur, était opposé à son mariage avec un Juif.

La soirée de réélection de Bush, qu’il passe en compagnie de ses nouveaux amis, donne à Philip Roth l’occasion de dénoncer, une fois de plus, le puritanisme de l’Amérique et par les propos tenus par Billy, les méfaits de l’administration de Georges Bush : « On a eu de mauvais présidents et on a survécu, mais à ce point-là jamais. Des aptitudes déficientes. Dogmatique. (…) Dès qu’on est pour ses enfants et pour Dieu, on est républicain… » Bush l’emportera contre Kerry, à la grande colère de Jamie et de Billy.

Nathan Zukerman est amoureux de Jamie. « Je veux être sous le charme » lui déclare-t-il. Il invente des dialogues : « Pourtant, tout comme le soir des élections, il m’avait paru d’une nécessité urgente de me mettre à écrire dès la porte refermée, les conversations qui n’ont pas lieu entre elle et moi, plus émouvantes encore que celles qui ont lieu, la « Elle » imaginaire atteignant en plein coeur son personnage comme ne pourra jamais le faire la « elle » de la réalité.  L’occasion pour Philip Roth d’exalter un amour autre que la culture du désir, d’amplifier le rien  par la fiction et que ce matériau « ce non vécu, l’hpothétique, finit par devenir la forme de vie dont le sens en vient à compter plus que tout. »

Nathan va rencontrer un autre personnage, Richard Kliman. Celui-ci veut que Zuckerman l’aide à écrire une biographie de Lonoff dans laquelle il révélera que l’écrivain a, dans sa jeunesse, commis l’inceste avec sa soeur. Nathan veut absolument l’empêcher d’écrire ce livre. L’occasion pour Philip Roth de dénoncer l’impudeur généralisée, le scandale de ceux qui pour faire carrière sont prêts à revisiter les écrivains dans ce qu’ils ont de plus intime.

Amy, qu’il a retrouvée, est opposée à Richard Kliman, pour les mêmes raisons. Elle va lui montrer une lettre adressée au Times, dans laquelle elle demande « qu’on laisse le lecteur seul avec ses livres pour qu’il en fasse ce que bon lui semble en toute liberté. » En réalité, la lettre a été écrite par Lonoff qui disait : « Nous, les gens qui lisons et qui écrivons, nous sommes finis, nous sommes des fantômes qui assistons à la fin de l’ère littéraire. »

Nathan renoncera à convaincre Richard Kliman : « Je ne suis pas resté pour me battre comme j’aurais fait jadis, mais je me suis enfui loin du manuscrit de Lonoff et de toutes les émotions qu’il avait réveillées…  » « Le raz de marée new-yorkais avait duré à peine un peu plus d’une semaine. Il n’y a pas d’endroit plus effervescent, plus vivant que New York, avec tous ces gens qui parlent dans leurs téléphones portables, qui dînent au restaurant, qui entretiennent des liaisons, trouvent des jobs, lisent les journaux, sont dévorés par des passions politiques. J’avais cru revenir là d’où j’étais parti, me réinstaller en homme réincarné, retrouver toutes ces choses auxquelles j’avais décidé de renoncer – l’amour, le désir, les disputes, les conflits professionnels, tout l’héritage confus du passé -, et au lieu de cela, comme dans un vieux film en accéléré, je n’avais fait que passer, l’espace d’un instant, et reprendre la route pour retourner chez moi. »

J’ai été fort déroutée par le livre. J’avais gardé le souvenir du Nathan Zukerman, de La tache, un écrivain en pleine gloire. Je retrouve un homme amoindri physiquement, hanté par la peur de perdre la mémoire, alerté par ses oublis, humilié quand il constate qu’il lui arrive de dire un mot pour un autre. Mais, si Philip Roth décrit minutieusement la déchéance physique de son héros, il lui laisse toute sa lucidité et son sens critique.

Un beau livre, un peu triste peut-être, comme l’était déjà le roman précédent : Un homme.