FRANCOISE GIROUD.

 

Tout au long des années, j’ai admiré Françoise Giroud, sa réussite exceptionnelle, son courage, son obstination, son féminisme. Elle a certainement été une personnalité qui a marqué son époque, une femme influente, une grande journaliste. Elle s’est décrite abondamment dans ses livres. Elle le reconnaît, disant souvent : »J’ai déjà dit » ou encore « J’ai dit ailleurs »… Féroce, elle l’a certainement été, se souciant peu de ce qu’on pouvait dire d’elle. L’indulgence n’est certainement pas ce qui la caractérise mais n’est-ce pas souvent le cas de  ceux qui exercent le pouvoir ?

Dans Leçons particulières, elle parle de sa mère avec émotion : « On sait qu’il n’y a pas de mère laide. Quiconque parle de la sienne vous dira qu’elle était belle. La mienne irradiait aussi le charme, l’esprit, la fantaisie. C’était une personne tout à fait originale. Elle m’emmenait, à douze ans, entendre une conférence de Paul Valéry parce qu’il faut absolument que la petite sache ce qui est beau. » Elle aimait aussi beaucoup sa soeur, qu’elle appelle Douce, qui a été déportée dès 1943; ses deux enfants, Caroline, qui est devenue pédopsychiatre et psychanalyste, son fils Alain qui s’est tué en faisant du ski.

Lea France Gourdji est née le 21 septembre 1916, décédée le 19 janvier 2003. Le jour de sa mort, je me suis dit que la vie lui avait évité ce qu’elle craignait le plus, les ravages de la vieillesse.

A seize ans, elle quitte l’école, diplôme de dactylo en main, elle qui aurait souhaité être médecin. Elle devient scrip-girl de Marc Allégret et de Jean Renoir, assistante-metteur en scène puis scénariste, d’une quinzaine de films.

Pendant la seconde guerre mondiale, elle est agent de liaison dans la Résistance, arrêtée par la Gestapo et incarcérée à Fresnes. Au sortir de la guerre, elle est engagée par Hélène Lazareff comme directrice de rédaction pour la création de Elle, magazine moderne et féministe. Elle quittera le journal pour fonder L’Express avec Jean-Jacques Servan-Screiber dont elle est amoureuse et qui deviendra son amant. « J’avais rencontré J.-J. S.-S. et nous avions décidé de fonder ensemble un nouveau journal. Celui-ci était encore dans les limbes, mais nous savions ce qu’il devait être : un organe de combat destiné à porter au pouvoir Pierre Mendès France. Le beau est qu’il ait vu le jour après des péripéties que l’on aurait pu croire décourageantes, mais nous étions amoureux, et cela donne des ailes. » (Arthur ou le bonheur de vivre).

Elle sera directrice de rédaction de l’Express, de 1953 à 1974. A cette date, elle devient secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre, chargé de la Condition féminine. Elle lance cent une mesures en faveur des femme. De 1976 à 1977, elle sera secrétaire d’Etat à la culture.

A sa sortie du gouvernement, l’Express vient d’être vendu à James Goldsmith et elle n’est pas réintégrée. Jean Daniel lui propose l’être éditorialiste au Nouvel Observateur, elle y écrira durant vingt ans.

Parallèlement, elle publie vingt-quatre livres : Si je mens, Leçons particulières, Journal d’une Parisienne, Arthur ou le bonheur de vivre, un roman Mon très cher amour, des biographies Dior, Alma Malher ou l’art d’être aimée, Jenny Marx ou le femme du diable, Lou, histoire d’une femme libre. Dans La Comédie du Pouvoir elle raconte son expérience ministérielle ce qui ne fera pas plaisir à Valéry Giscard d’Estaing…

ON NE PEUT PAS ETRE HEUREUX TOUT LE TEMPS.

C’est un livre de réflexions sur la vie, la religion, les femmes, le monde actuel, la culture, l’Europe. Le livre débute par une réflexion sur la vieillesse : On a un corps fier, dru, on est invulnérable à la fatigue, on irradie une énergie communicative, on reçoit des coups mais on se redresse, on prend des risques, on bouillonne de désirs, de révoltes, d’élan vital. Les années défilent par dizaines sans qu’on les voie passer… Un jour, on se découvre petite chose molle, fragile et fripée, l’oreille dure, le pas incertain, le souffle court, la mémoire à trous, dialoguant avec son chat un dimanche de solitude. Cela s’appelle vieillir… »

Les photos entassées dans une boîte en carton lui donnent l’occasion de parler de ceux qu’elle a rencontrés. Ils ont nombreux ! Steve Jobs, rencontré à Pittsburg, l’inventeur d’Apple,  Marlen Dietrich, Coco Chanel, Hélène Lazareff, André Gide, Paul Valéry, Churchill et bien d’autres.

Il y a « les grands » qui ont écrit dans l’Express :  « De qui n’ai-je pas remis un texte en forme pendant les grandes années de L’Express ? Ni Mauriac, ni Sartre, ni Malraux, ni Camus, bien sûr : ils n’avaient pas besoin de moi. Ni Mitterand, dont la plume a toujours été souveraine. Mais  les autres, tous les autres, dans toutes les spécialités!… »

Je retiendrai le portrait qu’elle trace de François Mauriac : ‘Personne ne m’a fait rire comme François Mauriac. Le génie de la formule, cette disposition très française qu’on appelle « l’esprit » (…) Ce vieux monsieur éblouissant, fin, et courageux – ô combien : il risquait sa vie à écrire ce qu’il écrivait – ce vieux monsieur avait un petit défaut : il ne supportait pas les femmes avant qu’elles aient atteint l’âge canonique, après quoi il les trouvait bien vilaines. »

Celui de Robert Badinter : « Depuis, je l’ai revu cent et une fois, il a été mon avocat, celui de L’Express, nous avons été très proches tout au long de cette bataille contre la peine de mort à laquelle il s’était tout entier dédié. Si quelqu’un a jamais cru à ce qu’il faisait, c’est lui. »

Je terminerai par cet aveu : « Parfois on fait mal, c’est inévitable. Pas tous les jours, pas toutes les semaines. Quelquefois. » Et cette profession de foi qui termine le livre : « C’est l’une des rares certitudes que m’a apportée l’expérience d’une vie : il faut croire, certes, croire en soi. »

RAPHAEL ENTHOVEN ET BLAISE PASCAL.

 

Raphaël Enthoven est né en 1975 à Paris. Il est le fils de l’éditeur Jean-Paul Enthoven. Il est ancien élève de l’Ecole normale supérieure et agrégé de philosophie. Il a enseigné à l’université Lyon-III et l’Institut politique de Paris. En 2002, il rejoint l’Université populaire de Caen à la demande de Michel Onfray. Il n’y reste qu’un an « viré » dira-t-il par Michel Onfray.

 Il anime la rubrique « Sens et vie » de « Philosophie Magazine », l’émission « Philosophie » sur Arte, « Nouveaux chemins de la connaissance » sur France- Cuture et est professeur à l’Ecole Polytechnique.

En 1999, il a une romance qui  fait scandale, avec Carla Bruni, alors que celle-ci entretient une liaison avec son père. Il quitte sa femme Justine Lévy, fille de Bernard-Henri Lévy, pour Carla avec qui il aura un fils, Aurélien, en 2001. Il sera le personnage principal du livre de Justine « Rien de grave » paru en 2004. Dans son album « Quelqu’un m’a dit » Carla lui dédie sa chanson « Raphaël ». Il vit aujourd’hui avec l’actrice Chloé Lambert avec qui il a eu un fils,  Sacha en 2008.

L’émission « Philosophie » sur Arte est enregistrée dans une ancienne usine. Il s’entretient avec un invité, tout en marchant, et, selon le sujet, en s’arrêtant devant des affiches, des tableaux, livre en main. L’émission est donc un dialogue avec un invité, ponctué de lectures de textes. Cette idée de « déambuler » il dit l’avoir eue d’un aphorisme de Niezche : « les bonnes idées sont celles qui viennent en marchant ».

PASCAL OU LES INTERMITTENCES DE LA RAISON.

Ce livre reprend les entretiens diffusés sur France-Culture du 8 au 12 septembre 2008, dans les cadres des « Nouveaux chemins de la connaissance ».

Il est évident qu’il est impossible de faire une étude approfondie des « Pensées » en cinq entretiens, repris dans 176 pages. Néanmoins, j’ai été fort intéressée par l’ouvrage. Etonnée très souvent. Les auteurs font une analyse différente de celle que je connaissais. J’aime beaucoup Blaise Pascal, surtout « Les Provinciales » mais certaines pensées me laissaient perplexe, voire choquée comme le célèbre « Abêtissez-vous ». Que Blaise Pascal fasse l’apologie du christianisme ne me semblait pas évident. Maintenant, c’est, pour moi, beaucoup plus clair.

Raphaël Enthoven ouvre son premier entretien par ces mots : « C’est de Blaise Pascal, l’effrayant génie, l’homme au gouffre, le mathématicien de coeur dont nous allons  parler(…) ce drôle d’homme qui porte à croire par la raison des vérités qui dépassent la raison. »

L’auteur rappelle que les Pensées sont écrites en fragments, que l’on peut classer dans l’ordre qu’on voudra, d’où les nombreuses éditions différentes les unes des autres, et, si on retrouve des pensées très proches l’une de l’autre, leur sens sera différent selon l’ordre dans lequel elles seront présentées.

Les thèmes abordés sont : l’infini, la condition de l’homme, l’imagination (qui nous détourne du réel), le divertissement, le « moi » (employé pour la première fois comme substantif), le pari, la pensée politique, le « Mémorial ».

Blaise Pascal ne cherche pas à démontrer l’existence de Dieu. Il cherche à convaincre que la religion est « vénérable et aimable ». Dans le pari, que les auteurs analysent longuement, il affirme que celui qui croit que Dieu existe aura une existence meilleure que celui qui croit que Dieu n’existe pas. « Il y a ici une infinité de vies infiniment heureuses à gagner, un hasard de gain contre un nombre fini de hasards, de perte et ce que vous jouez est fini. Cela ôte tout parti. »

D’après Vincent Carraud, un des interlocuteurs de Raphaël Enthoven, la phrase : « Le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point, on le sait en mille choses » n’est pas assumée par Blaise Pascal mais mise dans la bouche de l’honnête homme par excellence, son ami Milton à qui il va dire : « Le moi est haïssable. (…) Vous Milton, vous le couvrez, vous ne notez point pour cela, vous êtes donc toujours haïssable. »  Il dira aussi : « Je ne suis pas aimable fondamentalement. (…) Seul Dieu peut m’aimer tel que je suis, c’est-à-dire non aimable. » Je renvoie le lecteur au long développement fait par les auteurs pour expliquer ces pensées.

J’ai envie de terminer par une phrase, plus simple, que j’aime beaucoup : « Il n’est pas nécessaire parce que vous êtes duc que je vous estime, mais il est nécessaire que je vous salue. »

Je suis obligé d’être déférent envers celui qui a autorité sur moi, je ne suis pas obligé de l’estimer.

LUC FERRY.

Luc Ferry.Luc Ferry est né le 1er janvier 1951 à Colombes. Il a épousé Dominique Meunier, dont il a eu une fille Gabrielle, puis, après son divorce, Marie-Caroline Becq de Fouquières dont il a eu deux enfants. Il est agrégé de philosophie et docteur d’Etat en Sciences politiques. Il a enseigné à l’Université de Caen et de Paris VII-Denis-Diderot. Il a présidé le Conseil National des programmes au ministère de l’Education nationale et a été ministre de la Jeunesse, de l’Education et de la Recherche de 2002 à 2004 dans le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.

 LE  PHILOSOPHE.

 Luc Ferry a écrit de nombreux ouvrages à partir de 1984. La question, qu’il se pose le plus souvent, se trouve dans « La Sagesse des Modernes » écrit avec André Comte-Sponville : « Comment vivre ? Ce que nous cherchons ? Une spiritualité pour notre temps : une sagesse pour les Modernes. … Notre problème ? Il tient en une question : quelle sagesse après la religion et au-delà de la morale ? Et les auteurs vont préciser : « Nous ne sommes sûrs ni l’un ni l’autre de nos réponses. Mais nous sommes certains, l’un et l’autre, de la pertinence de la question. »

 Effectivement, Luc Ferry reposera la question dans son essai : « Qu’est-ce qu’une vie réussie ? ». L’intérêt du livre réside dans l’analyse que fait l’auteur des philosophies et des religions. Une étude passionnante qui nous plonge dans la pensée d’Aristote, Saint Augustin, Saint Thomas ou Saint Paul. Mais aussi Socrate, les stoïciens, Maïmonide, Averroès et même Nietzsche. La religion sera longtemps considérée comme détenant seule « la vérité » même quand elle est contredite par la raison.

 Dans le monde sans Dieu, les sociétés modernes vont parfois définir le bonheur comme synonyme de réussite, de performance ce que rejette Luc Ferry : « Sans cesse nous vivons dans la dimension du projet, assujettis à des finalités localisées  dans un futur plus ou moins lointain, et nous pensons, illusion suprême, que notre bonheur dépend de la réalisation enfin accomplie des objectifs, médiocres ou grandioses, peu importe, que nous nous sommes assignés. … Au reste, l’objectif une fois conquis nous faisons presque toujours l’expérience douleureuse de l’indifférence, sinon de la déception ; la possession des biens si ardemment convoités ne nous rend guère meilleurs ni plus heureux qu’avant. Les difficultés à vivre et le tragique de la condition humaine n’en sont guère modifiés et selon la fameuse formule de Sénèque « tandis qu’on attend de vivre, la vie passe ».

 C’est dans « L’homme-Dieu ou le Sens de la vie » que Luc Ferry précisera le mieux sa pensée. A partir du XVIIIe siècle, s’accomplit la montée de la laïcité. Au nom de la liberté de conscience, du rejet des dogmatismes, le contenu de la Révélation chrétienne va être « humanisé ». C’est aussi à partir du XVIIIe siècle qu’apparaît le mariage d’amour et de la famille moderne, avec l’amour des enfants : « Cette émergence a conduit à une véritable divination de l’humain – en parallèle avec l’humanisation du divin – et elle a fait descendre le sacré dans l’être humain lui-même. »

 Luc Ferry ne m’a pas convaincue. Pourquoi l’homme-Dieu ? Je serais plutôt d’accord avec André Comte-Sponville, pour un humanisme qui considère l’humanité comme une valeur suprême et réfléchit à l’héritage du passé. Je dirais que croyants ou athées peuvent parfois partager les mêmes valeurs, celles qui sont universelles.  Il s’agira alors plus de fidélité que de foi. Suivre sa conscience, vouloir le bien de l’humanité mais sans en espérer une récompense dans l’au-delà.

 LE  POLITIQUE.

 « Comment peut-on être ministre ? Essai sur la gouvernabilité des démocraties ». Le titre est ambitieux et demanderait un long développement. Luc Ferry rappelle sa participation au gouvernement mais il y mêle des considérations philosophiques.

 Il raconte d’abord pourquoi il a décidé d’accepter la proposition faite par Jean-Pierre Raffarin de devenir ministre. Il présidait la commission des programmes et pensait tout naturellement qu’il pourrait mettre en oeuvre le programme qu’il avait préparé. La première surprise sera celle de l’intrusion des journalistes dans sa vie privée. Avec humour, il raconte comment un journaliste du Canard enchaîné a voulu visiter son appartement de fonction. Il apprendra vite qu’il est impossible de répondre à toutes les fausses rumeurs répercutées dans la presse.

 Seconde surprise : le peu de pouvoir d’un ministre. Il va se heurter aux manifestations, aux syndicats. Ainsi, par exemple, a-t-il tenté d’imposer ce qui lui semblait aller de soi : le retrait de traitements pour les jours de grève. Ce n’était pas la tradition à l’Education nationale…

 Ses préoccupations en arrivant au ministère concernaient la lutte contre l’illettrisme, la question de la violence et des incivilités, la réorganisation du collège unique et, corrélativement, de la voie professionnelle, et l’échec dans les premièrs cycles des universités. Il se dit ausi opposé à la prolongation de la scolarité obligatoire jusque 18 ans.Luc Ferry s’apercevra vite de la difficulté qu’il y a à proposer le moindre changement. Son passage comme ministre lui a laissé une certaine amertume bien perceptible dans le livre.

 FERRY – JULLIARD.

 Chaque semaine, sur LCI, Luc Ferry et Jacques Julliard confrontent  leurs opinions sur des problèmes d’actualité. Jacques Julliard est un journaliste, historien de formation et ancien responsable syndical, de sensibilité socialiste. Luc Ferry est sarkoziste, la confrontation de leurs points de vue est toujours intéressante.

 Personnellement, je préfère Jacques Julliard à Luc Ferry. Je trouve que ce dernier est souvent de mauvaise foi tant il a à coeur de défendre les réformes de « son président ». Ce débat lui permet cependant de rappeler ses idées pour l’enseignement et combien la lutte contre l’illettrisme est importante.

 Luc Ferry est certainement un intellectuel qui compte. Surprise, dans une interview, pour Nouvelles clés, il confiera au journaliste qu’il avait découvert depuis peu l’amour pour les enfants. Et cette déclaration un peu surprenante pour celui qui apparaît surtout comme un intellectuel, parfois un peu trop sûr de lui : « On ne vit pas du tout de la même façon les images de catastrophes ou de guerre, autour de quoi tourne l’humanitaire, selon que l’on a ou que l’on n’a pas d’enfants qu’on aime. » Peut-être !

LE LIVRE DES PASSEURS.

Armand et Eliette BécassisCet ouvrage, sous-titré « De la Bible à Philip Roth, trois mille ans de littérature juive » est coécrit par Armand Abécassis et sa fille Eliette.

 Armand Abécassis est professeur émérite de philosophie générale et comparée à l’Université Michel de Montaigne, à Bordeaux. Je l’ai souvent vu, avec intérêt et plaisir, à la télévision, interviewé par Josy Eisenberg dans l’émission « A Bible ouverte » sur France2. Ils ont écrit en collaboration « La Genèse ou le livre de l’homme », une interprétation de la Genèse, très différente de celle que je connaissais.

 Eliette Abécassis est normalienne, agrégée de philosophie, auteur de nombreux romans dont le dernier « Mère et fille » a été publié en 2008.

 L’objectif des auteurs est ambitieux : présenter en un volume trois mille ans de littérature juive. Dans l’introduction, ils expliquent qu’ils ont repris des textes de Juifs, croyants ou non, de descendants de Juifs ou de Maranes, d’auteurs qui acceptent ou rejettent leur judéité, défendent ou critiquent la religion juive. Ils reconnaissent que leur choix est arbitraire : ils ont choisi ceux qui font partie de leur panthéon personnel. Pour chaque écrivain, le lecteur trouvera un extrait d’une oeuvre, un commentaire du texte choisi et des éléments biographiques.

 La première partie de l’ouvrage est consacrée à la Torah et à différents écrits de la Kabbale ou de philosophes comme Maïmonide, qui a vécu au 12ième siècle.

 Des noms d’écrivains connus se retrouvent dans la partie « Littérature ». Franz Kafka, né à Prague, dans Lettre au père, fait part de son déchirement entre l’impossibilé de ne pas être juif et l’impossibilité de l’être. Joseph Kessel, né en Argentine d’un père d’origine lituanienne, réfugié pour des raisons d’antisémitisme, suit, dans le texte choisi, extrait de Terre d’amour et de feu, les premiers pas de l’Etat d’Israël. Arthur Miller, né à New York dans une famille juive originaire de Pologne, a reçu en 2003, le prix de littérature de Jérusalem, décerné à ceux qui font référence dans leurs oeuvres, à la liberté de l’homme dans la société.

 Les auteurs ont choisi pour Philip Roth, un extrait de mon livre préféré « La Contrevie » dans lequel est posée la problématique juive, entre tradition et modernité, entre individualisme et communautarisme. Dans La Tache, à travers Coleman Silk, doyen d’un collège contraint de quitter son poste pour des raisons de « politiquement correct » est dressé tout le portrait et le procès de l’Amérique des années 1990. Un très beau livre comme d’ailleurs toute l’oeuvre de cet écrivain.

 Dans la partie intitulée « La pensée moderne » se retrouvent Théodor Hertz, inventeur de l’Etat d’Israël, Albert Einstein, dans un très beau texte sur la conception juive du monde, Emmanuel Lévinas, grand philosophe français qui a accompli une synthèse originale entre la phénoménologie et le Talmud, Raymond Aron ,fondateur de la sociologie, qui a revendiqué son judaïsme tout en restant très républicain.

 Je citerai aussi Josy Eisenberg, né à Strasbourg, auteur d’une quinzaine d’ouvrages et coauteur du film de Gérard Oury, Les aventures de Rabbi Jacob. Il anime l’émission juive sur France2, émission très regardée et dont le contenu est varié : interviews, reportages, commentaires de la Torah, description des fêtes juives etc.

 Deux philosophes : Bernard-Henri Lévy et Alain Finkielkraut. Les deux sont connus pour leur attachement à l’Etat d’Israël. Ils ont souvent été critiqués et pourtant le livre d’Alain Finkielkaut Au nom de l’Autre, réflexions sur l’antisémitisme qui vient est modéré.

 J’ai retrouvé deux écrivains que j’apprécie dans la partie « Face au mal » : Hannah Arendt et Elie Wiesel dont j’ai déjà parlé. J’ajouterai la très connue Anne Franck et  Primo Lévi qui déporté à Auschwitz, a écrit l’un des livres les plus marquants sur la Shoah : Si c’est un homme. Il s’est suicidé en 1987.

 Dans « Hors texte »se retrouvent des noms plus étonnants comme Michel de Montaigne, Baruch Spinoza, Karl Marx, Marcel Proust, Emile Durkheim, Henri Bergson, Claude Lévi-Strauss, qui ont leur place par leur origine mais dont il serait trop long de décrire les rapports qu’ils ont eus avec la judéité.

 « L’humour juif » commence par une citation de Peter Ustivnov : »Non seulement les Juifs nous ont donné le Christ et Karl Marx, mais en plus ils se sont offert le luxe de ne suivre ni l’un ni l’autre. »

 Un passage de Woody Allen à propos du sacrifice d’Isaac :
Abraham protesta : « Mais c’est Toi qui m’as dit…
– Ne t’occupe das de ce que je dis, énonça le Seigneur. Est-ce que tu avales tous les bobards qu’on te raconte ?
– Euh…eh bien…non, dit Abraham, honteux.
Alors, je suggère par matière de plaisanterie que tu sacrifies ton propre fils, et toi tu le fais aussitôt sans poser de questions ?

 Et cette finale du dialogue :

Et le Seigneur parla, en sa grande sagesse : « Ca ne prouve qu’une chose : que des crétins suivront toujours les ordres, si imbéciles soient-ils pour peu qu’ils soient formulés par une voix autoritaire, retentissante et bien modulée. »