ANDRE COMTE-SPONVILLE.

 

Philosophe français, il est né le 12 mars 1962, à Paris. Ancien élève de l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm, il a été l’élève et l’ami de Louis Althusser. Maître de conférence à la Sorbonne, il a démissionné en 1998 pour se consacrer uniquement à l’écriture et à des conférences. Il est membre du Comité consultatif national d’éthique. (Oeuvre : voir billet du 13 août 2009).

LE GOUT DE VIVRE  et cent autres propos.

Ce livre paru en 2010, chez Albin Michel est, à mon avis, celui où l’auteur se livre le plus. Il s’agit d’articles parus dans différentes revues. Dans son avant-propos, il explique pourquoi il a cru bon de les rassembler dans un recueil.  « En ces temps où les plaisirs sont rares, comme disait Alain, il m’a paru que c’était une raison suffisante pour faire un livre. »

Je dirai tout de suite que le titre est un peu « marketing », un chapitre est consacré au goût de vivre, mais l’auteur aborde des sujets très variés où le lecteur retrouvera, c’est vrai, comme un fil rouge, son amour de la vie.

Thèmes variés, en effet, parfois inspirés par l’actualité ou plus généraux. Je citerai : Limites de la morale. Jeunesse et sécurité. Fin de l’histoire ? Jalousie. Changer la vie. Immigration. Humanité. Sécurité. Le bonheur de désirer. La morale et l’éthique. Les droits de l’homme. Euthanasie. Qu’est-ce que la vérité ? L’amour. L’esprit de la laïcité. Le sens de la vie. Le risque de vie. 101 articles, courts mais denses. Comme d’habitude, l’auteur cite beaucoup ses philosophes préférés : Montaigne, Spinoza, Pascal, Alain et  d’autres, mais moins abondamment peut-être que dans ses autres livres puisqu’il est limité par la longueur de l’article.

Dans Qu’est-ce qu’un salaud ? il en donne une définition, qui me laisse perplexe. Il commence par une distinction entre un « méchant » et un « salaud ». Pour lui, le méchant veut le mal pour le mal; le salaud est celui qui fait du mal à autrui pour son bien à soi. Ainsi, dit-il, le salaud met l’amour de soi plus haut que la morale et éprouve du plaisir à faire le mal. Aussi, déborde-t-il de haine , d’insensibilité à la souffrance d’autrui : « tous les salauds sont de mauvaise foi, qui ne cessent de se trouver des justifications ou des excuses. (…) C’est un égoïste qui a bonne conscience, qui est persuadé d’être un type bien, et que le salaud, en conséquence, c’est l’autre. C’est pourquoi il s’autorise le pire, au nom du meilleur ou de soi – d’autant plus salaud qu’il se croit justifié à l’être, et pense donc ne l’être pas. »

J’ai dit ma perplexité. Si je prends sa définition à la lettre, la terre est remplie de salauds. Or, c’est un terme fort, un mot qu’on utilisera peut-être, dans un mouvement de colère, envers celui qui vous a fait du mal. Un exemple pour illustrer ma perplexité. Les Politiques sont enclins à envoyer des phrases assassines à leurs adversaires. Leur haine est parfois tellement forte qu’elle franchit mon écran de télévision. Mais, je ne les considérerai pas comme des salauds même s’ils sont parfois de mauvaise foi ou peu enclins à défendre le bien commun.

Un article intitulé « Père » est consacré à l’amour des enfants. Il rejoint un peu Luc Ferry mais avec une différence essentielle, il n’en fait pas un  nouveau système philosophique. « Ce que je sais, c’est que mes enfants sont le plus grand amour que j’aie jamais vécu, et que je mets l’amour plus haut que tout , comme tout un chacun. »

L’article consacré à « Montaigne » est très intéressant. Son scepticisme est, d’après l’auteur, une lucidité. « Il ne renonce pas à chercher le vrai; il renonce à la certitude de le connaître ». (…) Montaigne apprend à juger par soi-même, et pour soi-même, sans prétendre imposer aux autres les valeurs qu’on respecte ou le bien qu’on poursuit. »

Quelques citations sur la politique. Dans son article sur le « Stoïcisme » il affirme : la politique n’est pas l’art de faire rêver mais l’art d’agir, et de faire agir. Elle porte donc sur ce qui dépend de nous : elle est affaire non d’espérance mais de volonté. » Mais il ajoute : « Méfions-nous des prophètes ou des démagogues, qui ne savent insuffler que des rêves ». Plus étrange : « On ne vote pas sur le vrai et le faux. (…! On ne vote pas non plus sur le bien et le mal. » Il me semble pourtant que les Politiques attachent beaucoup d’importance à leurs « valeurs » et nous persuadent toujours qu’ils sont seuls à défendre la « vérité »…

Tout autre chose : « Philosopher à la française ». L’auteur relève comme une spécificité française l’importance accordée à la langue. Montaigne, Descartes, Pascal sont de grands écrivains. » Ils s’adressent au grand public et se donnent les moyens d’en être compris. De là cette fameuse clarté française, que Nietzche se plaisait à célébrer. »

Je disais que ce livre nous apprend beaucoup sur l’auteur. Son amour de la musique, par exemple. Sa rencontre avec Beethoven, à vingt-deux ans, lui, qui à l’époque n’était intéressé que par la politique, l’amitié, l’amour, la philosophie. Il découvrira aussi Mozart, Schumann, Schubert et d’autres avec une conviction : « L’art va plus vite ou plus profond. Il ne donne à penser qu’en donnant à ressentir, à aimer, à admirer. C’est une leçon de morale, autant ou davantage que d’esthétique. C’est pourquoi c’est une leçon, aussi, de philosophie

André Comte-Sponville est un philosophe comme on en connaît peu. Son érudition est grande, mais son humanité, sa préoccupation des autres, ses recherches sur le bonheur, son étude des religions, lui, athée, en fait un philosophe pas comme les autres, quelqu’un dont nous pouvons être très proches.

En parlant du goût de vivre :

« Ainsi la vérité est à la fois la norme, à quoi il faut d’abord se soumettre. Le bonheur est le but, qui ne nous sera donné, s’il peut l’être que par surcroît : c’est en cherchant la vérité qu’on trouvera le bonheur, non en cherchant le bonheur qu’on trouvera la vérité. »

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