L’ACCORDEUR DE PIANO.

 

DANIEL MASON est né et a grandi à Palo Alto en Californie. Il est diplômé en biologie de l’Université de Harvard et a passé une année à étudier la malaria à la frontière de la Birmanie et de la Thaïlande. Il y a écrit une grande partie de son roman, pour lequel il a obtenu le prix du « Roman Evasion ». Il vit actuellement à San Francisco.

En 1886, à Londres, Edgar Drake reçoit une étrange requête du Ministère de la guerre. Il doit quitter sa femme et sa paisible vie londonienne pour partir dans la jungle de Birmanie, afin d’accorder un piano Erard. L’instrument appartient au médecin-général Anthony Carroll, qui a obtenu du Ministère de la guerre qu’on lui envoie un piano à Mae Lwin, dans les états Chan. Ensuite, il a réclamé un accordeur : « On déplace beaucoup plus facilement un homme qu’un piano. »  

Comme Edgar Drake s’étonne qu’une telle requête soit acceptée, le Colonel, qui lui demande de partir, lui répond : « Les Etats Chan sont anarchiques. A l’exception de Mae Lwin. Carroll a fait plus et mieux à lui tout seul que plusieurs bataillons. C’est un homme indispensable, à la tête de l’un des postes les plus dangereux et les plus importants de nos colonies. … S’il faut un piano pour maintenir Carroll en place, ce n’est pas trop cher payé. »

Edgar Drake accepte, encouragé par sa femme « c’est une très belle idée de se servir de la musique pour apporter la paix. »

Edgar s’embarque pour un très long voyage à travers l’Europe, la mer Rouge, l’Inde pour atteindre enfin la Birmanie et les terres les plus reculées des Etats Chan. Sur le chemin, il croisera des soldats, des mystiques, des bandits, des conteurs. Il va être subjugué par l’exotisme des cultures dont il ignore presque tout, par la beauté des paysages, par la musique, des chants qu’il ne connaît pas et qui le bouleversent.

Il faudra longtemps avant qu’il ne rencontre Anthony Carroll, mais au cours de son voyage, il apprend que celui-ci est aussi « légendaire que la reine d’Angleterre ». Un soldat lui raconte comment parti dans la jungle avec une dizaine de soldats, il est attaqué dans une clairière. Une flèche vient se ficher dans un arbre au-dessus de sa tête. Les soldats se cachent derrière les arbres, lui reste seul et commence à jouer de la flûte. Les assaillants sifflent le même air, répondant par trois fois au son de la flûte. Carroll peut repartir avec ses soldats. Il a traversé le territoire le plus dangereux sans avoir tiré un seul coup de fusil ! L’air était une chanson d’amour Chan et Carroll dira plus tard : « Un homme ne peut pas tuer quelqu’un quand il joue un air qui lui rappelle son premier amour. »

Edgar Drake finira par connaître Antony Carroll. Médecin, il soigne comme il le peut, collectionnant les plantes. En secret, il essaie d’obtenir un traité de paix avec les chefs locaux.

Après avoir accordé le piano, Edgar Drake ne peut se résigner à quitter Mae Lwin. Il est tombé amoureux d’une jeune birmane, Khin Myo et du pays. Mais la fin de l’ouvrage est tragique et inattendue.

J’ai bien aimé le livre. L’auteur nous apprend beaucoup sur la Birmanie, le pays, les cultures mais aussi  le contexte historique : la pacification des Etats Chan a été une période critique pour l’expansion de l’Empire britannique. L’histoire se termine en avril 1887. Après une victoire militaire des Britanniques, la soumission des Etats Chan du sud fut obtenue rapidement.

L’auteur n’est pas tendre envers les officiers britanniques. C’est pourquoi, le personnage d’Anthony Carroll, qu’il a inventé et a réussi à nous rendre crédible est bien « une victoire de la musique sur les fusils. »  Ainsi quand il invite un des chefs de la confédération du Limbin avec laquelle les forces anglaises sont en guerre, dans l’espoir d’obtenir une rencontre avec la confédération, il demande à Edgar Drake de jouer « un morceau qui éveillera chez le prince des sentiments de bienveillance et d’amitié, qui témoignera de nos bonnes intentions… »

Le livre est très poétique. Comme Edgar Drake, j’ai été envoûtée par le pays, les odeurs, la musique du vent, de l’eau, les oiseaux, les jolies birmanes maquillées au « thanaka ».

Pour terminer, un extrait que je trouve révélateur de l’esprit du livre. Il s’agit d’une randonnée avec le médecin, à la recherche de plantes : « Au-dessus d’eux, un rapace qui volait en cercles fut pris par un courant ascendant ; Edgar se demanda ce que l’oiseau voyait de là-haut : trois silhouettes minuscules qui trottinaient sur une piste sinueuse encerclant les collines calcaires, les villages miniatures, la Salouen qui serpentait paresseusement, les montagnes à l’est, le plateau Chan, incliné jusqu’à Mandalay, et puis toute la Birmanie, le Siam, l’Inde, les armées rassemblées, des colonnes de militaires français et anglais en attente, invisibles les unes pour les autres mais que l’oiseau, lui, distinguait, et entre elles trois hommes occupés à cueillir des fleurs. »

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