Dans mon billet précédent sur le livre d’Amin Maalouf, je n’ai pas mis d’extraits comme je le fais d’habitude. A la réflexion, je crois utile de le faire. Les liront ceux qui veulent en savoir un peu plus sur le livre.
Petit rappel, le livre est un roman construit par l’auteur à partir de ses souvenirs. Les personnages sont imaginaires et – ce n’est pas innocent – issus de culture différente.
Les personnages s’expriment librement dans des mails ou entretiens avec Adam.
Adam justifie son départ un an après le début du conflit.
« Moi, je ne suis allé nulle part, c’est le pays qui est parti. » « Que le monde d’hier s’estompe est dans l’ordre des choses. Que l’on éprouve à son endroit une certaine nostalgie est également dans l’ordre des choses. De la disparition du passé, on se console facilement ; c’est de la disparition de l’avenir qu’on ne se remet pas. »
Albert avait été enlevé par un garagiste, torturé, puis relâché. Il était devenu ami avec son bourreau qu’il appelait son père adoptif.
« Plus d’une fois il est arrivé, en ces années-là, que des familles dont un membre venait d’être enlevé réagissent en capturant elles-mêmes une ou plusieurs personnes censées appartenir à l’autre camp, pour s’en servir comme monnaie d’échange. »
Réflexion d’un musulman.
« Ce qui m’exaspère, c’est cette manière qu’on a aujourd’hui d’introduire la religion partout, et de tout justifier par elle. Si je m’habille comme ça, c’est pour ma religion. Si je mange ceci ou cela, c’est pour ma religion » « La religion, c’est important, mais pas plus que la famille, pas plus que l’amitié, et pas plus que la loyauté. Il y a de plus en plus de gens pour qui la religion remplace la morale. »
Le pétrole.
« …pour l’ensemble des Arabes, le pétrole aura été une malédiction. Pas seulement pour les Arabes, d’ailleurs. Est-ce que tu connais un seul pays que le pétrole a rendu heureux ? Passe-les tous en revue. Partout, l’argent du pétrole a provoqué des guerres civiles, des bouleversements sanglants ; il a favorisé l’émergence de dirigeants fantasques et mégalomanes. »
Conflit israélo-arabe.
« Ne te fais pas d’illusions, bientôt il n’y aura plus aucune communauté juive dans tout le monde arabe. Aucune ! » « Si au lendemain de l’horreur nazie, il n’y avait pas eu ce conflit autour de la Palestine, le sort des Juifs dans les sociétés arabes ne se serait-il pas amélioré, au lieu de se détériorer ? Je crois que si, j’en suis même certain. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé. Ce qui s’est passé, cest l’inverse. »
L’existence de Dieu.
« Je ne suis adepte d’aucune religion, et je n’éprouve pas le besoin de le devenir. Ma position est d’autant plus inconfortable que je ne sens pas athée non plus. Je ne parviens pas à croire que le Ciel est vide, et qu’au-delà de la mort, il y a seulement le néant. »
Chrétiens d’Orient.
« Si tous les hommes sont mortels, nous, les chrétiens d’Orient nous le sommes deux fois. Une fois en tant qu’individus – et c’est le Ciel qui l’a décrété ; et une fois en tant que communautés, en tant que civilisation, et là, le Ciel n’y est pour rien, c’est la faute des hommes. »
Amin Maalouf a mis beaucoup de lui-même dans son livre. Il dira : « Cela n’a pas été douloureux mais parfois émouvant et tendu. J’avais besoin de parler de ces choses et j’ai choisi la manière qui me permettait d’en parler sans trop malmener ma pudeur. »