JEAN TEULE.

Jean Teulé

Né le 26 février 1953 à Saint-Lô, Jean Teulé est un romancier et auteur de bandes dessinées. Il a participé à l’émission  L’Assiette anglaise de Bernard Rapp et à Nulle part ailleurs sur Canal+.

En 1990, il abandonne toutes ses activités pour se consacrer à l’écriture. « Ballade pour mon père oublié » « Longues peines » « Le Magasin des suicides » « Le Montespan » « Fleur de Tonnerre ».

CHARLY 9.

Le livre s’ouvre sur le conseil du roi qui doit persuader Charles IX du massacre de la Saint-Barthélemy. (Dimanche 24 août 1572).

L’auteur décrit la scène de manière magistrale. « Un mort ? Un gentil garçon semblant à peine sorti de l’adolescence – il vient d’avoir vingt-deux ans – écarquille ses grands yeux : Quoi ? Vouloir que j’ordonne, pour cette nuit, l’assassinat d’un convalescent surpris en plein sommeil ? Vous n’y pensez pas, ma mère ! Et puis quel homme, l’amiral de Coligny que j’appelle « mon père ». Jamais je ne scellerai cet édit ! »

Charles IX va apprendre que c’est sa propre mère, Catherine de Médicis, qui a ordonné l’attentat raté dont a été victime Coligny, amiral de France et chef du parti protestant. Elle lui reproche d’avoir trop d’influence sur le roi. Il essaierait de le persuader d’intervenir aux Pays-Bas espagnols où Philippe II opprime les huguenots.

Catherine ne s’arrêtera pas là. Le dialogue avec son fils se poursuit : « Deux morts ? Six ? Dix ? Cent ? Cent mille ? Des femmes aussi…des vieillards…des enfants… »

Charles IX résiste : « Jamais, je n’ordonnerai ce que vous me réclamez. J’aimerais mieux que mon corps soit traîné dans la boue des rues de Paris. ». Et comme Catherine insiste, il s’indigne « Nous sommes tous du même royaume que je sache. Par des mains de Français, des Français immolés. » « C’est impossible d’être aussi cruel. »

Un argument va ébranler le roi. Catherine prétend que les huguenots rassemblés autour de Coligny ont décidé d’égorger la famille royale. « Ce sera eux ou nous. »

Ebranlé, le roi demande réflexion mais pour Catherine il faut qu’il se décide tout de suite. Il en vient à marchander. Pas Ambroise Paré, huguenot, chirurgien du roi. Pas sa maîtresse, huguenotte elle-aussi, Marie Touchet. Le garde des Sceaux rappelle que Navarre et Condé, huguenots eux-aussi, doivent être protégés par leur appartenance à la descendance de Saint Louis. « A condition que ces princes de sang abjurent leur religion hérétique » exige perfidement Catherine.

Désespéré, Charles IX finit par dire : « Agis comme tu le veux, mamma. C’est ta décision… – Ma décision doit être légalisée par toi pour être applicable. C’est donc sur ton ordre seul qu’on peut agir. Dis : « Je le veux » – Bon, bon… Ah non, jamais … Oui, non, bon, oui, non… »

Le pauvre Charles IX a cédé et l’ordre retentit : « Le roi le commande ! C’est la volonté du roi ! C’est ton commandement ! Le roi le veut ! Tuez-les tous. »

Cette scène imaginaire est tellement bien écrite qu’on y croirait. On sait que les historiens sont toujours partagés sur le massacre de la Saint-Barthélemy. Était-ce une décision imposée à un pauvre adolescent sous tutelle de sa mère ou la responsabilité de Catherine de Médicis est-elle entière ? L’auteur a tranché.

Jean Teulé va faire de Charles IX, Charly 9, dévoré par la culpabilité, devenant fou. « Tu n’es plus un roi, mais un assassin » Il le décrira voyant du sang partout, même sur lui, enfermé dans d’affreux cauchemars et cherchant à tuer le plus d’animaux possibles. Il chassera même dans les couloirs du Louvre…

Une anecdote parmi d’autres. Au moment de communier, il voit une hostie liquide de sang qui va tacher son habit blanc et, effrayé, recule. Même sa femme, il la voit « rouge ».

Je crois que l’auteur s’est bien amusé à décrire Charly 9 courant le lapin et le cerf dans le Louvre ou massacrant tout sur son passage.

Haï de tous, Charles IX mourra à 23 ans, officiellement d’une pleurésie suite à une pneumonie.

Jean Teulé, dans la première scène du livre, décrit Catherine de Médicis : « Mamma, assise juste en face de son rejeton royal, porte autour du cou une immense collerette tuyautée en façon de roue de carrosse. Couverte d’une poudre de riz parfumée, celle-ci enfarine le haut des manches bouillonnées d’une robe noire de veuve. Yeux globuleux et joues molles, les lèvres lippues de la reine remuent… »

Henri : « Menton ras, face pâle, geste efféminé, l’œil d’un Sardanapale, voilà tel qu’il paraît en ce bal. Garni bas et haut de roses et de nœuds, visage de blanc et de rouge empâté, une coiffe en forme de coquillage comme un gros bulot rose sur sa tête… »

D’un sujet tragique, Jean Teulé fait un livre amusant, qui se lit sans que le lecteur ne se pose trop de questions et c’est très bien ainsi.

L’histoire est pleine d’épisodes sanglants. Hélas ! notre siècle n’est pas épargné. Chaque jour nous assistons à des scènes dont l’horreur finirait par nous faire douter de la nature humaine.

Charles IX

  Charles IX.

Catherine de Médicis

Catherine de Médicis.