Philippe Grimbert, né à Paris en 1948, est psychanalyste et romancier. Son roman « Un secret » a été porté à l’écran par Claude Miller en 2007. (voir billet du 24 janvier 2010)
UN GARCON SINGULIER.
« Recherche jeune homme motivé pour s’occuper d’un adolescent singulier en séjour avec sa mère à Horville (Calvados).
Cette annonce, Louis la découvre à l’université. Elle attire parce qu’il s’agit d’Horville, l’endroit où, adolescent, il passait ses vacances. Après avoir renoncé aux Lettres pour se diriger vers le Droit, il s’apprête à abandonner une discipline qui ne lui plaît pas. Conscient qu’il devait trouver un boulot, il a consulté les annonces. Celle-ci l’a attiré aussi parce que ses parents l’appellent « le grand taciturne » et trouvent qu’il est un garçon singulier, mal dans sa peau comme le garçon de l’annonce.
Il prend contact avec le père qui lui explique que Iannis vit avec sa mère. Elle cherche quelqu’un pour s’occuper de son fils parce qu’elle veut se consacrer à son roman.
Louis s’embarque pour Horville, sans vraiment savoir qui est ce Iannis. Il est reçu par sa mère, Hélène, qui lui fait grosse impression. « Elle n’était pas belle mais son visage m’impressionna. Son nez un peu fort, le pli d’amertume de sa bouche et ses yeux si noirs, où l’iris ne se distinguait pas de la pupille, donnaient à ses traits un caractère brutal, accentué par le désordre de ses cheveux » »Malgré une quarantaine largement dépassée, elle avait conservé une silhouette adolescente, qu’elle enveloppait dans un grand pull d’homme aux manches roulées jusqu’aux coudes. »
Hélène ne veut pas parler d’Iannis pour ne pas l’influencer, elle se borne à dire qu’il ne parle pas, ne sait ni lire, ni écrire et que ses réactions sont imprévisibles.
Louis insiste cependant pour le voir le soir même. « Dans le lit une forme se devinait, entortillée dans les couvertures. Iannis dormait en position foetale, deux doigts en foncés dans la bouche et je ne distinguais de lui qu’un profil délicat découpé sur l’oreiller. Une pointe du col de son pyjama masquait sa joue et seul un pli très marqué entre ses sourcils indiquait une tension que le sommeil même ne pouvait apaiser. Je fus saisi par la beauté de ce visage auréolé d’une masse de cheveux blonds, par la longueur de ses cils et la ligne de son nez, quand je m’attendais à un faciès déformé par les troubles psychiques. »
Louis va donc s’occuper de Iannis, faire de longues promenades le long de la mer et même s’il est persuadé que Iannis ne le comprend pas, il lui raconte ses vacances à Horville, lui parle de son ami Antoine.
Une amitié très forte va lier Iannis et Louis. Il s’apercevra que Iannis sait écrire mais le cache. Iannis lui fera cadeau d’une salière, retrouvé dans le sable et qui était un trésor pour Antoine et Louis. Iannis le conduira même à l’hôtel qu’il habitait et à un endroit interdit et dangereux mais dont Antoine et Louis avaient fait leur jardin secret : le Saut du Loup.
Hélène interroge Louis sur la relation privilégiée qu’il a avec Iannis. Louis lui répondra : et « Je lui assurai que mes journées avec son fils m’apportaient beaucoup qu’il faisait preuve de capacités insoupçonnées. » Il ajoutera : » que son fils était branché sur nos pensées les plus secrètes, que telle une éponge, il absorbait nos émotions et nos angoisses ». Il précisera même que ce qui l’attirait le plus en Iannis était « sa clairvoyance ».
Philippe Grimbert a choisi d’entrecouper les récits de ses journées avec Iannis de ses souvenirs personnels, surtout de son amitié avec Antoine que Iannis lui rappelle.
En parallèle l’auteur raconte comment Hélène veut avoir une relation sexuelle avec Louis. Il se refuse, pour ne pas trahir Iannis, très amoureux de sa mère. Pour se justifier, il s’invente une fiançée ce qui fait rire Hélène mais ne l’empêche pas de forcer Louis, jusqu’à jouir sur lui.
Du mois passé à Horteville, Louis sortira transformé. Sans déflorer la fin du roman, je peux citer un passage qui clôture le livre : « Où est passé Louis, celui qui traînait son existence, d’année en année, à la poursuite d’un futur qu’il n’avait pas choisi ? »
Un très beau roman. Autobiographique, par ses souvenirs de vacances et par son travail de psychanalyste auprès des enfants autistes ou psychotiques. « Merci aux enfants douloureux qui m’ont inspiré le personnage de Iannis. »
J’ajouterai que son travail lui a permis d’écrire un roman émouvant, un roman d’amour.